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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2021-11-30T07:40:09'
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title: CHANGE_ME 475
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Dans une intéressante chronique publiée dans Les Echos de ce matin, Jean-Marc Vittori revient sur des publications récentes de l'Agence Internationale de l'Energie (notamment https://lnkd.in/dwaVnrSm ) qui quantifient la demande en métaux non ferreux (cuivre, nickel, lithium, cobalt notamment) qui résulterait d'une "transition" conjuguant activité économique en hausse et émissions de CO2 en baisse (ce que l'on appelle la "croissance verte").
Les Echos étant un journal économique, mon homonyme de prénom conclut sa tribune en évoquant les milliers de milliards de dollars qui seraient nécessaires pour que cette production soit possible.
Cette "prévision" laisse penser que cela va nous couter un peu cher, mais que ce n'est qu'une question de volonté. La réalité pourrait ne pas être si simple. En particulier, les prix d'aujourd'hui ne disent rien sur la possibilité de faire dans un monde dépourvu de combustibles fossiles, parce que ce qui forme notre système de prix est bien... la disponibilité de ces combustibles.
Si le cuivre coute considérablement moins cher aujourd'hui qu'à l'âge de bronze (rappelons que le bronze est un alliage de cuivre), c'est parce que nous avons du charbon en masse pour faire l'acier des engins de mine, des trains, des camions et des bateaux, du pétrole pour faire fonctionner ces derniers (un gros dumper minier est aussi puissant que 3500 chevaux attelés : https://lnkd.in/dt7ie9ky ), du charbon pour réduire les minerais (qui sont des oxydes), du pétrole pour transporter massivement minerais et métaux dans des vraquiers ou cargos (et pour faire toute la chimie organique - des plastiques et lubrifiants - que l'on retrouve aussi dans toutes ces machines), du charbon et du gaz pour produire l'électricité nécessaire à toutes ces machines, et j'en passe.
Dans un monde sans combustibles fossiles, tout cela s'en va. Avant les combustibles fossiles en masse, à l'époque des mineurs à pioches, wagonnets de mine tirés par des chevaux, et de la marine à voile avec des bateaux en bois, il n'était évidemment pas question de produire les quantités actuelles de métaux non ferreux, et a fortiori encore moins 20 à 40 fois plus, comme cela serait le cas dans cette transition décrite par l'AIE.
Certes notre ingéniosité technique nous conserverait quelque chose du progrès moderne dans un monde sans fossiles, mais de là à prendre pour argent comptant que nous allons fortement augmenter la production de métaux non ferreux alors même que ce qui a permis l'émergence d'une métallurgie mondialisée s'en ira (et que par ailleurs les mines se vident - l'AIE envisage un "pic cuivre" pour les années à venir), il y a un pari "physique" qui n'est même pas une question de prix, et que nous avons toutes les chances de perdre.
D'où le titre : le 21è siècle ne sera pas du tout celui où nous échapperons aux réalités matérielles. Nous y resterons plongés, plus encore qu'au 20è.