jancovici-updates/true_content/posts/2022/02/change-me-391.md

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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2022-02-08T16:37:35'
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title: CHANGE_ME 391
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Bruno Le Maire a fait quelques affirmations sur l'énergie sur France Inter qui m'ont semblé mériter quelques précisions.
Il a dit "L'Europe doit être indépendante du point de vue énergétique". L'Union importe actuellement 96% de son pétrole (dont 35% de Russie), 80% de son gaz (un tiers russe aussi) et 35% de son charbon. Elle importe 100% de son uranium, quasiment 100% de ses panneaux solaires, une fraction de ses éoliennes, 100% de son cuivre (nécessaire aux réseaux et appareils électriques), 100% des métaux pour batteries, et j'en passe. Ne pas dépendre de pays tiers pour des denrées indispensables à notre système énergétique sera hélas impossible. De quelle indépendance parle-t-on ?
Bruno Le Maire impute la hausse des prix de l'énergie à la "demande plus forte que prévue" en pétrole et en gaz à cause de la reprise. Il ne faudrait pas oublier ce qui a joué encore plus (sans jugement de valeur sur la pertinence de la hausse des taxes) : la mise de l'électricité dans le marché (qui cale les prix spot pour tous sur le mode de production le plus onéreux), le prix des quotas qui atteint pas loin de 100 euros la tonne de CO2 et qui renchérit le MWh au gaz, la hausse des taxes sur les carburants (notamment le diesel) et enfin la fiscalité (d'abord affectée aux ENR, puis non affectée) qui a augmenté sur l'électricité.
Il espère que d'ici la fin 2022 les prix vont baisser. Que disent "les marchés" ? Le prix du gaz pour livraison dans un an et dans deux ans est à peu près le même que le prix pour demain. Un peu plus loin il a parlé de "sortie de crise". Mais si le gaz reste proche de 100 euros le MWh (et donc l'élec pas loin de 250 avec le rendement des centrales et le prix du CO2) pendant 2 ans, ca n'est plus vraiment "une crise", c'est plutôt un nouvel état de fait....
Bruno Le Maire explique que l'Etat a imposé une charge de 8 milliards à EDF (dont une partie financera une filiale de Total !) "parce que c'est une entreprise publique" et "sous le contrôle de l'Etat". Cela veut-il dire que l'on ne peut pas, au nom de l'intérêt général, imposer une charge à une entreprise privée ? Que l'Etat n'a aucun contrôle sur le secteur privé ?
Le ministre qualifie EDF de "service public". Objection votre honneur : si on a voulu un marché concurrentiel il n'y a plus de service public. Il y a des concurrents, et si on fait les poches de l'un d'eux on doit faire les poches de tous. Cela n'empêche pas l'invité de dire un peu plus loin que pour les pétroliers "c'est à eux de faire des propositions" (aucune obligation !). Amusant...
Enfin notre ministre déclare que "nous avons des besoins en électricité décarbonés infiniment supérieurs à ce à quoi nous nous attendions". Pour ce que j'en ai vu depuis 20 ans, la question de la disponibilité physique future de l'électricité décarbonée n'a jamais fait l'objet d'une "attente" quantifiée du monde politique : elle a fait l'objet de certitudes d'une absence de difficultés fondées sur... rien.