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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2022-08-10T06:51:21'
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title: CHANGE_ME 186
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Quand il y a débat sur la "transition énergétique", les protagonistes qui sont le plus fréquemment de la partie partent soit de la "technique" (quand il est question des performances des véhicules, logements ou usines, et sont alors souvent des ingénieurs ou techniciens), soit du comportement, pour disserter sur nos désirs ou nos organisations sociales.
Il est plus rare de prendre l'histoire comme angle d'approche. Pourtant, il est évident que mieux on connaît le passé, et moins on a de chances de se tromper en prenant des paris. Cette interview de Jean-Baptiste Fressoz, un historien des sciences et de l'environnement, propose une très intéressante analyse de notre rapport historique à l'énergie et à l'extraction de ressources.
Analyse intéressante, donc, mais pas très rassurante, puisque Fressoz explique que :
- il n'y a jamais eu de "transition" énergétique dans le passé, au sens où une énergie aurait été remplacée par une autre. Toutes les énergies actuellement utilisées se sont empilées les unes sur les autres sans substitution à large échelle, parce que notre comportement a toujours été d'accumuler et non de remplacer.
- dans le même esprit, il n'y a pas eu de "transition" sur les matériaux ou les métaux. Les 60 matériaux les plus utilisés dans le monde l'ont été chacun en quantité croissante depuis le début de leur utilisation : là aussi il y a empilement et non remplacement.
- les "scénarios de décarbonation" qui figurent dans le rapport du groupe 3 du GIEC (rappelons que c'est le groupe où se trouvent les économistes) relèvent du conte de fées (ce n'est pas dit comme cela, mais c'est bien le sens des propos). Les scénarios qui permettent de respecter la limitation du réchauffement à 1,5 ou 2°C reposent sur des diffusions de technologies à des vitesses qui sont totalement improbables,
- les énergies sont imbriquées les unes aux autres. Par exemple le pétrole a besoin de charbon (parce qu'il a besoin d'acier) et le charbon a besoin de pétrole (parce qu'il a besoin d'engins de mine). Fressoz ne croit pas à un système "désimbriqué" comportant uniquement des renouvelables pour maintenir un monde ressemblant à l'actuel.
- le savoir ne suffit pas. Depuis que "nous savons" pour le climat par exemple, aucune modification sociétale à large échelle n'est intervenue pour ce motif. Il est parfois arrivé que l'on rhabille de "motivation climatique" une évolution qui a pris place pour d'autres raisons.
Jean-Baptiste Fressoz ne le dit pas explicitement, mais on sent qu'il le pense très fort : à cause de cette inertie qui caractérise les organisations et techniques humaines, et de notre addiction à l'accumulation, il ne croit pas à une "sortie par le haut" dans la situation actuelle. Nous allons continuer à accumuler "tant que ca passe" et c'est le fait qu'à un moment "ca ne passera plus" qui va changer la donne.
A ce moment là, nous aurons bien une transition. Mais peut-être pas celle évoquée à longueur de discours politiques et techniques.