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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2022-09-12T06:42:36'
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title: CHANGE_ME 152
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La guerre en Ukraine l'a peut-être appris à un certain nombre de mes concitoyen(ne)s : nous mangeons du gaz. Les esprits chagrins feront remarquer que le gaz se respire à la rigueur, mais ne se mange pas, sauf que le gaz dit naturel, quand on regarde ce que nous en faisons, se mange bel et bien.
Pas sous forme de gaz cependant : une partie du composant principal du gaz naturel, le méthane, de formule CH4, va servir à produire des engrais (on appelle le gaz "naturel" par opposition au gaz "artificiel", qui était fabriqué dans les "usines à gaz", par réaction entre du charbon et de la vapeur d'eau, et qui créait un mélange - hautement toxique quand on le respirait - de monoxyde de carbone et d'hydrogène appelé "gaz de ville").
Pour cela on commence par extraire l'hydrogène du méthane, avec une opération appelée reformage, qui consiste à chauffer très fort un mélange de méthane et de vapeur d'eau, pour provoquer la réaction CH4 + 2*H20 -> 4*H2 + CO2. Pour une tonne d'hydrogène il se dégage 10 tonnes de CO2 (combustion du gaz de chauffage & réaction chimique confondues).
Puis on associe l'hydrogène à de l'azote - prélevé dans l'air - pour fabriquer de l'ammoniac, de formule NH3. Ce dernier sert alors à fabriquer des ammonitrates (ou nitrate d'ammonium), qui sont utilisés comme fertilisants pour l'agriculture (accessoirement quand ils sont mélangés à du fioul ils forment un explosif puissant, ce que récemment Beyrouth a hélas appris à ses dépends : https://bit.ly/3eKRCnW ).
Ces engrais azotés ont joué un rôle central dans le passage des rendements du blé de 10 à 15 quintaux par hectare en 1945 à 70 à la fin des années 1990 (https://bit.ly/3L4oSmv ). Nous mangeons donc du gaz.
L'ammoniac valant plus cher que le gaz, une partie des producteurs de gaz - dont les russes - se sont intégrés à l'aval et ont construit des usines pour fabriquer de l'ammoniac, voire produire directement des engrais azotés.
Avec le gaz, une partie de l'ammoniac et des engrais (la partie russe) est donc aussi devenue plus difficile d'accès et les prix de marché ont monté. Si des difficultés d'approvisionnement sur les volumes persistent, le rendement des cultures ne pourra que baisser. Le bio, par exemple, qui n'utilise pas d'engrais de synthèse, présente typiquement dans les céréales un rendement de moitié par rapport à ce qui s'appelle le "conventionnel".
Une large partie des cultures (notamment tout le maïs) servant à nourrir des animaux, nous ne risquons pas de mourir de faim. Il suffira de cultiver des végétaux que nous pouvons manger en direct (car manger du maïs fourrage on risque de ne pas trouver ca terrible !) au lieu de cultiver de la nourriture pour animaux.
Ne plus manger de gaz finira fatalement par arriver : le gaz, comme le pétrole, est épuisable, et son pic mondial devrait arriver vers 2030, climat ou pas. A quelque chose malheur est bon : tâchons de profiter de la situation actuelle pour démarrer une transition inexorable de toutes façons.