jancovici-updates/true_content/posts/2023/02/change-me-14.md

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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2023-02-03T12:00:16'
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title: CHANGE_ME 14
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Un médecin peut-il se contenter de poser le diagnostic sans recommander de traitement ? En matière de climat, c'est le mandat qui a été donné au GIEC : être "policy relevant but not policy prescriptive", c'est à dire décrire la situation, mais sans fournir de recommandation sur la voie à suivre.
Quand on y réfléchit bien, ce n'est pas infondé : après tout, se restreindre maintenant pour préserver l'avenir n'est pas une décision scientifique mais un choix. Un médecin, pour reprendre le parallèle, peut dire au fumeur qu'il prend des risques, et les lui décrire par le menu, mais il ne peut pas physiquement le contraindre à s'arrêter (il y a 20 ans je m'étais amusé - enfin si l'on peut dire - à comparer plus largement effet de serre et tabac, car il me semble qu'il y a beaucoup de points communs, et à me relire je ne vois pas grand chose à changer : https://bit.ly/3YjUeL9 )
Il y a par ailleurs des cas de figure où la réponse à la question initiale est oui, parce que même en médecine on change d'interlocuteur entre diagnostic et thérapie. Le radiologue qui vous fait passer l'IRM ne sera pas celui qui vous proposera un traitement derrière. La généraliste à qui vous dites que vous avez "mal au dos" n'est pas nécessairement celle qui vous recommandera la solution au problème.
En matière de climat, cette difficulté est encore plus grande : le physicien ou la biologiste décrivant l'évolution du système terre sous l'effet d'émissions croissantes n'a pas, du seul fait de son métier, de compétences techniques particulières pour proposer la manière de modifier l'organisation humaine et matérielle qui en est à l'origine (même si les journalistes adorent faire du "tout en un" en demandant au scientifique cuisiné sur la situation ce qu'il faut faire à partir de là).
La question de savoir si des scientifiques doivent ou non "descendre dans la rue" pour mieux se faire entendre dépend donc de l'effet recherché et du discours tenu.
Si c'est pour militer pour que le diagnostic soit mieux connu, à ce moment le/la scientifique est légitime, mais en pratique ce n'est pas d'abord la puissance publique qui est visée, mais d'abord la presse, puisque c'est d'elle dont dépend le volume et la qualité de l'information diffusée sur le sujet et son lien avec l'organisation du monde.
Qu'un(e) climatologue s'enchaîne aux grilles de l'Elysée ou à une centrale à charbon fera-t-il des media plus prolixes et performants sur le climat ? Une fois que l'information est connue, la décision qui en découle n'est plus un problème scientifique.
Si ce militantisme a pour objet de faire adopter des mesures particulières (taxe carbone, investissements dans le train, ou isolation des bâtiments), alors la question doit être posée sans invoquer la qualité de scientifique : il s'agit de savoir, quel que soit le métier de la personne concernée, si bloquer un aéroport au nom du climat est plus ou moins immoral que de bloquer les trains au nom des retraites. Intéressante question !