jancovici-updates/true_content/posts/2022/01/change-me-432.md

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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2022-01-04T17:50:02'
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title: CHANGE_ME 432
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Il y a quelques années, la Commission européenne a décidé de créer une nomenclature des "investissements verts". Cela s'appelle la "taxonomie" et est destiné à aider les financiers à orienter leurs investissements en faveur d'une économie plus durable.
Depuis le début cette initiative souffre de quelques faiblesses, notamment en voulant un peu trop marier les contraires. D'un côté il est question de favoriser la révolution (car contribuer à une baisse de moitié des émissions de CO2 en 30 ans à "niveau de vie" constant, c'est en pratique participer à la révolution), et de l'autre de ne pas créer une contrainte trop forte - y compris en matière de reporting - pour le monde financier. Pas évident !
Cette initiative a aussi choisi une approche normative des activités éligibles. On comprend ce que cela peut signifier d'être "vert" - ou pas - quand on parle d'un camion ou d'une installation de traitement des déchets organiques, mais c'est moins évident pour d'autres activités : comment définir un fabriquant de peintures, un distributeur de produits pour la maison, ou un importateur de meubles qui soit "vert" ?
Quoi qu'il en soit, dans cette affaire, il a fallu statuer sur deux sujets qui importaient chacun à l'un des deux "gros" états de l'Union Européenne : le nucléaire et le gaz.
Une bête logique "factuelle" aurait conduit à regarder ce que disent les faits. Le nucléaire est très bas carbone, peu dangereux par MWh produit, et générateur de peu de nuisances : il est donc éligible. Le gaz est émetteur de CO2, ce qui suffit à le disqualifier puisque le but du jeu est de se débarrasser des émissions. Une taxonomie "activité" aurait donc du dire oui au nucléaire et non au gaz.
Mais cela ne correspond pas à la manière dont les réglementations se font, qui incorporent toujours les jeux de pouvoir et l'envie de conforter la situation existante. La France ne voulait pas d'une réglementation qui disqualifie sa principale source de production électrique, ce que voulait au contraire l'Allemagne, pour ne pas se mettre en porte-à-faux au regard de son choix historique d'abandonner le nucléaire pour conserver du charbon.
La France ne voulait pas de gaz (dont nous n'avons en pratique pas besoin de manière significative aujourd'hui), alors que l'Allemagne oui, pour compléter ses modes intermittents à la place du charbon (qui émet plus).
La paix des braves a conduit à mettre le nucléaire et le gaz dans les investissements éligibles "sous condition". Pour le nucléaire, l'enjeu était important, car cette énergie est très sensible aux conditions de financement de l'investissement initial (beaucoup plus que le gaz). Pour un réacteur coutant 10 milliards d'euros à construire et produisant 60 ans, le passage de 2% à 10% du rendement exigé par les actionnaires et prêteurs ajoute 90 milliards d'euros de frais financiers sur la durée de construction et de fonctionnement. Une paille !