jancovici-updates/true_content/posts/2022/07/change-me-213.md

20 lines
3.2 KiB
Markdown
Raw Normal View History

2023-02-19 10:56:01 +00:00
---
date: '2022-07-11T17:45:15'
li-id: 6952316895232471041
li-url: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_edf-quatre-questions-sur-une-nationalisation-activity-6952316895232471041-BE8v
title: CHANGE_ME 213
---
EDF sera donc nationalisé. Du point de vue économique, c'est une bonne idée. Une entreprise nationale bénéficie en pratique des mêmes conditions d'emprunt ou presque que l'Etat, et pour financer des installations de production très capitalistiques comme le nucléaire ou les renouvelables (tout l'argent ou presque est dépensé lors de la construction et très peu lors de l'exploitation) le taux d'intérêt auquel l'argent est disponible fait une énorme différence sur le résultat final.
Prenons par exemple un réacteur nucléaire qui va vivre 60 ans, qui coute 10 milliards à la construction, et qui met 10 ans à être construit (c'est des ordres de grandeur). Si l'argent pour le construire est trouvé auprès d'actionnaires privés qui demandent 10% de rendement annuel sur les capitaux fournis, EDF devra débourser 90 milliards d'euros de frais financiers en plus par rapport à une situation où ce même argent serait disponible avec un taux à 2% seulement parce que ce sont des emprunts garantis par l'Etat. C'est pour cela que le nucléaire n'est pas une activité à l'aise dans le secteur privé : le cout du MWh y devient le double ou le triple (à cause des frais financiers) de ce qu'il est dans le public : https://bit.ly/3yWmlGk
A court terme cela va aussi permettre de refinancer à des conditions plus favorables une dette qui a beaucoup augmenté. Mais le véritable défi à plus long terme d'EDF n'est pas juste de financer son nucléaire du futur. Il est aussi de se débarrasser d'un énorme "sparadrap du capitaine Haddock", qui s'appelle l'arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique). L'arenh est une obligation de vente à "prix coutant" - et désormais à perte - qui a été imposée à EDF en 2011 dans le cadre de l'obligation de "concurrence" voulue par l'Europe. Elle porte actuellement sur un tiers de la production nucléaire d'EDF.
En pratique les "concurrents" qui en bénéficient sont juste des courtiers (ils n'ont pas de centrales). Ils empochent une marge de distribution qui était auparavant conservée au sein de l'électricien national. Des industriels en bénéficient aussi mais ce problème peut se traiter séparément.
Ce mécanisme a couté un bon paquet de milliards à EDF (pas loin de 10 rien qu'en 2022, Macron en ayant rajouté une grosse louche juste avant les élections), a alourdi la charge de sa dette, a amoindri ses capacités d'investissement, et ce sans aucune contrepartie positive pour le pays (on ne peut pas dire que l'augmentation du nombre de courtiers soit un gain essentiel !).
La nationalisation n'est donc que le début de l'histoire si on veut vraiment sécuriser au mieux l'avenir électrique. La suite est la suppression de l'arenh, ainsi que la remise sur pieds d'une filière organisée et efficace, ce qui demandera du temps et de la constance dans les objectifs (en sommes nous politiquement capables ?).
Nationalisation ou pas, un EDF avec l'arenh au niveau actuel finira par imploser....