jancovici-updates/true_content/posts/2022/11/change-me-78.md

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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2022-11-26T10:45:47'
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title: CHANGE_ME 78
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Il y a fort fort longtemps, la gestion du risque se faisait en ne comptant que sur ses propres forces et une solidarité "de proximité". Le paysan normand du Moyen Age qui avait de mauvaises récoltes ne pouvait guère compter sur le provençal ou le lorrain pour le sortir de ce mauvais pas. Le portugais qiu a vu sa maison détruire par le séisme de Lisbonne en 1755 ne pouvait pas vraiment compter sur le ch'ti ou même le basque pour l'aider à reconstruire plus vite.
Nous vivons aujourd'hui dans un monde où il en va tout autrement. Tout d'abord, grâce à l'énergie abondante, la réparation après dommage est bien plus facile. Notre maison est reconstruite par des cimenteries, des camions, des grues et des aciéries (donc de l'énergie) ; les récoltes insuffisantes ici sont compensées par des cultures excédentaires "ailleurs" qui sont elles-mêmes produites et acheminées grâce à des usines d'engrais, tracteurs, camions, entrepôts et j'en passe (de l'énergie à nouveau).
La mise à disposition des victimes des ressources physiques permettent de reconstruire ou compenser est par ailleurs effectuée par la mise en commun de moyens économiques, par le biais de l'assurance.
Deux évolutions vont venir contrarier ce mécanismes à l'avenir :
- le premier, largement évoqué dans cette interview du DG de Groupama dans Les Echos, est l'augmentation des sinistres que l'évolution climatique va engendrer : récoltes plus souvent atteintes, patrimoine bâti plus souvent dégradé (voir à ce propos https://bit.ly/3OH6C4f qui rappelle que la sécheresse cause d'importants dommages par rétractation gonflement des argiles)
- le second, non évoqué, est que notre capacité à reconstruire va s'affaiblir, puisque la décrue énergétique va fatalement diminuer aussi la quantité d'acier, de ciment, de camions et de grues dont nous pourrons disposer.
La traduction économique de cette double évolution n'est pas difficile à deviner, et c'est exactement celle évoquée dans cette interview : des primes plus élevées (il va donc y avoir aussi de l'inflation "réelle" - rapportée au revenu en clair - dans l'assurance, comme en fait partout dès lors que les ressources physiques baissent ; c'est mécanique) et des dommages moins bien couverts (l'interviewé parle d'exclusion croissante de certains biens de l'assurance dommage des habitations par exemple).
Dans un monde structurellement inflationniste par rapport aux revenus réels, nous allons devoir renoncer. Il est probablement plus facile de renoncer à la 5G pour regarder Netflix dans le métro, à la construction de stades climatisés pour jouer au foot, ou au Black Friday pour avoir un vêtement en plus, que de renoncer à garder un toit en cas de coup dur ou avoir de quoi manger si le climat est adverse.
En tout état de cause, cette interview rappelle - même si ce n'est pas sympathique - qu'à ne vouloir rien abandonner nous prenons le risque de perdre beaucoup plus.