jancovici-updates/true_content/posts/2022/12/change-me-48.md

20 lines
2.9 KiB
Markdown
Raw Normal View History

2023-02-19 10:56:01 +00:00
---
date: '2022-12-28T17:26:48'
li-id: 7013918188404899840
li-url: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_changement-climatique-lagriculture-n%C3%A9erlandaise-activity-7013918188404899840-n2gn
title: CHANGE_ME 48
---
On peut appeler cela un miracle ou une hérésie, selon le point de vue : selon Les Echos, les Pays Bas, pays de 42.000 km2 de superficie, est le 2è exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, derrières les USA, pays 230 fois plus vaste, et devant la France, qui est plus de 10 fois plus vaste, et tout cela avec 52.000 agriculteurs seulement, qui commandent forcément à beaucoup beaucoup de machines.
Car, évidemment, ce n'est pas tant aux vastes terres fertiles de ce pays très densément peuplé que l'on doit cela, mais à l'énergie. Le modèle néerlandais s'est basé largement sur les exploitations intensives qui demandent des engrais (du gaz et du pétrole), des serres (du gaz pour les chauffer et pour faire le verre), des élevages intensifs, impossibles à approvisionner sans d'importants volumes de transport associés (pour faire venir les aliments) et des produits végétaux pas chers. Un modèle fortement exportateur est aussi un modèle fortement dépendant des transports internationaux (du pétrole à nouveau).
Ce développement est évidemment allé avec une augmentation de quelques pressions environnementales (effluents ou émissions), et est dépendant d'une énergie abondante et pas chère. Le désir de limiter les nuisances environnementales et la "crise du gaz" rebattent fortement les cartes.
Rappelons que la production hollandaise de gaz, qui était encore très significative il y a quelques années, s'est brusquement effondrée après la décision d'arrêter l'exploitation du plus grand champ gazier d'Europe du Nord (Groninge), qui avait fait de ce pays une petite Norvège pendant de longues décennies.
Cet exemple hollandais est en fait emblématique de ce qui finira par arriver ailleurs. Une agriculture avec peu de monde, très mécanisée, très dépendante des transports amont et aval, et très dépendante des engrais et des phytosanitaires, est un enfant de la mondialisation, et aura du mal à survivre face à la décrue énergétique.
Comme le paysage agricole est très long à réorienter (parce que c'est un domaine de traditions, et parce que l'organisation globale mise en place ne se modifie pas en une semaine), il n'est que temps de se demander à quoi elle devra ressembler si les conditions climatiques et énergétiques de cette année 2022 deviennent la norme, voire "moins pire" que cette dernière.
Au Shift Project, cela fait partie de nos ambitions pour 2023 que d'y revenir (le chapitre du PTEF sur l'agriculture n'est pas suffisant à nos yeux et manger est raisonnablement vital). Mais nous espérons bien ne pas être les seuls à avoir envie de mettre un peu de jus de cerveau dans la question !