jancovici-updates/true_content/posts/2023/02/change-me-13.md

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2023-02-19 10:56:01 +00:00
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date: '2023-02-04T17:39:01'
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title: CHANGE_ME 13
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En 2018, la France a vécu l'épisode des "gilets jaunes". A l'époque essence et gazole étaient à environ 1,5 euro le litre. C'est désormais entre 1,8 et 2 euros selon la pompe et le type de carburant (https://bit.ly/2SBEC4o ). Et.... rien. Pas d'émeute, alors que dans le même temps le prix du gaz et de l'électricité ont fortement augmenté, sans parler du reste.
Si la raison première de ce qui s'est passé il y a 4 ans était juste le niveau de prix dans l'absolu, pourquoi tout le monde fait le dos rond actuellement ?
Tentons une hypothèse : à l'époque l'Etat avait prononcé le mot "taxe carbone". Or parler de fiscalité des carburants, c'est débattre de la part à la main de notre pays, pour laquelle il ne dépend évidemment que de nous de la monter... ou de la baisser.
Actuellement, c'est la faute à "pas de chance". C'est pas de chance si Poutine a envahi l'Ukraine. C'est "pas de chance" si le prix de marché du baril monte fortement. Et on ne va quand même pas menacer la Russie ou l'Irak de l'arme nucléaire pour que ces pays augmentent leur production d'or noir !
Il est facile de constater que nous acceptons souvent bien plus facilement les efforts déclenchés par "pas de chance" que ceux qui sont le résultat d'une démarche intentionnelle. Si les taxes sur les carburants augmentent, on ne nous enlèvera pas de la tête que notre président, qui devrait nous prendre sous son aile, prend un malin plaisir à nous rendre la vie plus difficile !
Et pourtant, là où l'évolution actuelle est "pas de chance", c'est qu'elle est beaucoup plus dommageable pour la population que la taxe carbone envisagée à l'époque par le gouvernement.
L'impôt est un recyclage national. Ce que nous payons en plus pour les carburants, l'Etat peut nous le rendre sous forme de travaux d'isolation, de pompes à chaleur, de subventions aux véhicules électriques ou de pistes cyclables.
Quand le prix du baril monte, cela appauvrit la France (en augmentant le déficit commercial) et personne ne reverra cet argent pour aider le pays à s'organiser avec moins d'énergie fossile.
Et le paradoxe de l'affaire est que c'est l'un ou l'autre. En effet, le pétrole étant épuisable (et le pic conventionnel passé), si nous ne provoquons pas la baisse de son usage par des mesures qui sont fatalement contraignantes pour quelqu'un, il y aura périodiquement des envolées de prix comme celle que nous vivons actuellement ou pire.
Il y a donc décarboner et décarboner. La voie qui consiste à attendre que "y'en a plus" enrichit les producteurs et laissera la population au dépourvu. Celle qui consiste à agir demandera des efforts à plus court terme mais beaucoup moins "plus tard".
Il reste une condition du succès essentielle : que le gouvernement sache faire la pédagogie du problème (pour le moment il ne comprend pas que l'Europe est en déclin subi sur le pétrole depuis 2007) et que toute mesure d'effort s'inscrive dans un plan d'ensemble perçu comme pertinent. Et là nous n'y sommes pas encore.