--- date: '2021-09-27T06:45:06' li-id: 6848145443730325504 li-url: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_un-article-paru-dans-le-financial-times-activity-6848145443730325504-8X7y title: CHANGE_ME 586 --- Un article paru dans le Financial Times (pas précisément l'organe officiel d'une ONG environnementale en général) explique en quoi les engagements de neutralité pris par les entreprises consistent à mettre la charge de la preuve sur ses successeurs plus ou moins lointains à la tête de la société. NB : le texte intégral de l'article est disponible sur d'autres sites, comme par exemple celui-ci : https://lnkd.in/eHqGFByn L'argumentaire pointe donc une faiblesse de ces engagements de neutralité qui n'est pas scientifique (car la neutralité à l'échelle d'une entreprise correspond à une comptabilité plus que discutable : https://lnkd.in/dGTt6Zs et https://lnkd.in/db7JzB2q ), mais managériale. Une telle annonce de neutralité à l'horizon 2050 ou 2040 donne en effet une cible qui devra être atteinte par une autre équipe que le management en place, qui s'achète donc la tranquillité à court terme sans garantir le résultat à terme. Le FT a en particulier regardé le rapport entre la durée au terme de laquelle l'entreprise devra être "neutre", et la longueur du mandat du dernier PDG parti. Le graphique figure sur l'image ci-dessous, et il est édifiant. Lafarge, par exemple, serait "neutre" au bout de 13 fois la durée du mandat du dernier patron. Ce multiple n'est "que" de 3 pour Nestlé ou Unilever, mais plus de 6 pour HSBC. Autrement dit, le sujet ne sera même pas le problème du successeur immédiat dans l'essentiel des cas. Mais lorsque la "neutralité" est annoncé à un horizon de temps court (dont "tout de suite"), il y a une autre faiblesse majeure : déclarer que l'entreprise est déjà neutre, c'est dire que le problème est déjà réglé, et c'est par construction tuer toute capacité à un changement profond au sein des collaborateurs. En effet, pourquoi vouloir remettre en cause l'existant si le problème est réglé ? Annoncée pour plus tard, la "neutralité" d'une entreprise est donc un report de la charge sur ceux qui suivront et une procrastination. Présentée comme déjà atteinte, c'est un anesthésiant. Dans tous les cas de figure, c'est donc une mauvaise idée. Le vrai défi pour une entreprise n'est pas de se déclarer neutre, et le faire n'aide pas. C'est de commencer à mettre dans l'affaire des moyens humains et matériels à la hauteur de l'enjeu : formation massive ; innovation technique & managériale massive ; reconversions massives (il faudra abandonner des activités existantes) ; système de reporting adapté (déploiement d'une comptabilité carbone détaillée) ; etc. Et, au bout du compte, des entreprises où chaque collaborateur comprend l'enjeu et accepte que cela impactera son activité au quotidien. Ca va demander des efforts autrement plus importants que quelques déclarations à la presse.