--- date: '2022-05-19T07:46:40' li-id: 6932959701089320960 li-url: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_s%C3%A9cheresse-les-barrages-hydro%C3%A9lectriques-activity-6932959701089320960-PUQ8 title: CHANGE_ME 274 --- Lorsque nous discutons scénarisation électrique, il est fréquent d'entendre que l'avenir ne va dépendre que de nos envies, quelle que soit l'option politique retenue. Vous aimez le nucléaire ? Alors il suffit de tenir un discours un peu martial comme à Belfort et la machine repartira. Vous aimez les renouvelables ? Alors il suffit de dire que "c'est possible" et nous n'aurons que cela. Il y a besoin de gaz dans l'intervalle ? Pas grave : le gaz est disponible et donc on peut s'en servir "en attendant". Mais voilà, la vraie vie est en train de nous proposer surtout une collection de points d'interrogation : - CO2 ou pas CO2, il ne va peut-être pas avoir autant de gaz que l'on voudrait, - il ne va peut-être pas avoir autant d'eau dans les barrages que l'on voudrait, électricité "verte" (qui correspond essentiellement à des certificats de garantie d'origine émis par des barrages) ou pas - après des décennies de "stop and go" politique pour cause de démagogie électorale, et de confusion des genres entre une entreprise productive qui doit s'autofinancer et une poche dans laquelle l'Etat se sert à discrétion (et Macron a contribué aux deux), le nucléaire est affaibli - et les "nouvelles ENR" ne seront peut-être pas si simples à déployer à l'échelle, parce que ce sont des dispositifs pas chers... dans une économie mondialisée dopée aux combustibles fossiles. En effet, ce dont les 20 dernières années ont fait la preuve, c'est d'une baisse de couts des éoliennes et panneaux solaires dans un monde consommant de plus en plus de pétrole, gaz et charbon. Cela ne démontre en rien que cette baisse reste acquise dans un monde où il n'y a plus de pétrole pour les engins de mine, les camions et la marine marchande, plus de charbon pour la métallurgie et l'électricité, et plus de gaz pour l'industrie manufacturière, l'électricité, les cimenteries ou la chimie amont. Le vent et le soleil étant des énergies diffuses, il leur faut (beaucoup) plus de métal par kWh que pour les énergies concentrées (charbon, gaz ou nucléaire) et beaucoup plus d'espace et de dispositifs annexes (stockage, réseau, voire dispositifs de pilotage en fréquence). Si l'économie se "démondialise", parce que la mondialisation c'est l'abondance de transports donc de pétrole, alors plus il y a de matériaux "lointains" (les métaux en font partie) nécessaires dans une production, et plus cette dernière coutera cher. C'est du reste quelque chose de cohérent avec ce qui précède qui s'observe depuis le covid, qui a engendré une petite expérience de démondialisation involontaire : éoliennes et paneaux solaires voient leur prix augmenter (https://lnkd.in/eqJqBtfC ). Il est donc urgent de réfléchir à des scénarios électriques - et un cadre économique - cohérents avec une économie qui fonctionne en mode dégradé. Nous allons de toute façon devoir assumer un risque. Le monde des bisounours n'existera pas.