--- date: '2022-05-06T06:57:39' li-id: 6928236323405221888 li-url: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_interview-%C3%A9nergie-et-climat-j-m-jancovici-activity-6928236323405221888-fnf3 title: CHANGE_ME 289 --- Il faut que je remonte à 3 générations pour trouver un agriculteur dans mes ascendants directs. On pourrait donc penser que ma légitimité à m'exprimer sur l'agriculture est discutable :). Je me suis néanmoins risqué à l'exercice pour le site d'informations pour la profession Terre-Net, en faisant quelques constats et en proposant quelques conclusions et directions dans lesquelles partir si l'on veut que ce secteur soit à la fois plus résilient face à un changement climatique amplifié par rapport à maintenant (de manière inexorable hélas) et plus "doux" pour l'environnement. Rappelons que l'agriculture c'était 2/3 de la population active avant la révolution industrielle. Comme l'argent ne paye que des hommes (et des femmes !), cela signifie que, peu ou prou, l'agriculture représentait entre la moitié et les deux tiers du PIB de l'époque, et donc, toujours pour les mêmes raisons, consommait aussi entre la moitié et les deux tiers du "budget des ménages". Aujourd'hui, les tickets de caisse payés au distributeur - 90% de nos achats alimentaires directs - ou aux "petits commerces (y compris marchés), plus les additions payées à la "restauration hors domicile" (restaurants y compris fast food, restauration scolaire et en entreprise, hôpital - le moins possible évidemment, etc) représentent environ 10% du budget des ménages. Mais l'essentiel de cette dépense finance des emplois qui ne sont que des "intermédiaires" : caissier(e)s, magasinier(e)s, chauffeurs routiers, salarié(e)s de l'agroalimentaire, salarié(e)s des producteurs de matériaux d'emballage ou de camions (un tiers des camions en France transportent quelque chose qui se mange), etc. La nourriture elle-même représente donc un cinquième de notre dépense alimentaire en moyenne (soit 2% de ce que nous gagnons). Nous avons remplacé des individus dans les champs par une armée de machines, située pour partie dans les exploitations (tracteurs, silos, trayeuses à vaches....) et pour l'essentiel hors des champs (usines d'engrais et de phytosanitaires à l'amont, camions à l'amont et l'aval, machines de l'agroalimentaire, usines pour l'emballage, frigos et congélateurs, etc) qui ont permis une explosion des quantités et un effondrement des prix. Et ce que nous payons est essentiellement les gens qui fabriquent et actionnent ces machines. La question que nous devons nous poser est donc la suivante : acceptons nous de délibérément augmenter le prix de la nourriture pour produire "mieux" et plus durablement ? (et de fait nous aurons moins d'argent pour le reste). Si oui, il est possible de revisiter beaucoup de choses dans l'organisation actuelle du secteur. Si non, la mauvaise nouvelle est que les limites planétaires finiront de toute façon par produire le même effet, mais dans un contexte non géré, et avec des conséquences négatives qui seront plus fortes. Encore une urgence et un sujet plus important que le métaverse (qui ne fera pas pleuvoir) à traiter dans le cadre du nouveau mandat !