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2023-02-19 11:56:01 +01:00

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Le Directeur de la Toulouse School of Economics est interviewé dans Les Echos. La partie attendue de son propos est son plaidoyer en faveur de la taxe carbone, doublée d'une taxe carbone aux frontières.
Sur ce point, il a partiellement raison : une taxe est utile, mais ce n'est pas la totalité d'une politique. Et surtout la pertinence est très différente selon que l'on s'adresse aux particuliers ou aux entreprises.
Les particuliers anticipent peu. Nous sommes rares à calculer un cout total sur la durée de vie à l'achat d'un véhicule ou d'une chaudière, en intégrant un "prix croissant du carbone". C'est bien pour cela que les hausses rapides de prix du carbone provoquent des remous : nous faisons alors face à des dépenses qui n'ont pas été anticipées.
De ce fait, la hausse du prix du carbone pour les particuliers ne peut être que lente : seule une montée très progressive du prix est socialement acceptable, pour laisser le temps aux individus d'avoir des alternatives (qui doivent par ailleurs "arriver sur le marché", ce qui prend du temps). C'est évidemment un problème quand nous sommes dans une course contre la montre.
C'est différent pour les entreprises : ces dernières - surtout les grosses émettrices, généralement des grandes entreprises - ont les moyens d'embaucher des armées de consultants, qui vont faire des calculs dans tous les sens pour savoir où se trouvent les points de bascule qui rendent telle ou telle alternative économiquement pertinente.
Par ailleurs, pour ces mêmes gros émetteurs un "prix du carbone" va être significatif dans leur compte de résultat, ce qui va les motiver fortement à trouver des alternatives "de rupture". Un exemple classique est la taxe carbone appliquée aux centrales anglaises, qui a beaucoup joué dans le basculement du charbon au gaz outre-Manche.
La taxe carbone est donc un outil qui peut rapidement changer la donne pour certaines entreprises, mais c'est beaucoup moins vrai pour les particuliers, pour qui la réglementation permet d'aller bien plus vite, parce qu'elle dit quoi faire au lieu de dire ce qu'il ne faut pas faire.
Incidemment la "taxe carbone aux frontières" ne serait pas une fiscalité stricto sensu en Europe. La fiscalité est une compétence exclusive des Etats membres, et donc l'Union ne peut rien faire sans unanimité des membres (unanimité qui n'existe jamais). Le mécanisme serait une extension du système de quotas (par exemple les importateurs devraient se procurer des quotas au prorata du "contenu en carbone" des importations).
La partie plus inattendue du discours de Gollier est l'affirmation que la transition ne sera pas "que du bonheur sur tous les tableaux". Cela rejoint un peu le propos de ceux qui disent qu'il n'y aura pas de croissance verte. L'argument n'est pas le même - et Gollier ne dit rien sur la croissance - mais il y a un point commun : cette transition va nous demander de gros efforts. Qu'il y ait une grosse satisfaction à la clé ne doit pas masquer cette réalité.