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2023-02-19 11:56:01 +01:00

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2022-02-13T11:15:39 6898585443433029632 https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_chez-les-verts-lessor-discret-des-pronucl%C3%A9aires-activity-6898585443433029632-3gl1 CHANGE_ME 386

L'annonce récente d'Emmanuel Macron sur le nucléaire (se doter d'une stratégie ambitieuse dans le domaine) est assurément pertinente au regard du contexte et du défi climatique. Elle pose cependant quelques questions :

  • y aura-t-il la stabilité politique à suivre ?
  • y aura-t-il les compétences ?
  • y aura-t-il le financement ?
  • y aura-t-il la stabilité réglementaire à un niveau qui soit le bon ?
  • et, surtout, pourquoi avoir changé d'avis depuis la fermeture de Fessenheim ?

Ces questions sont interconnectées. Par exemple, la volonté politique dans la durée est indispensable pour susciter des vocations chez les jeunes ou les personnes en mobilité professionnelle, ce qui permettra d'avoir des compétences. Au moment de la construction du parc existant, qui a pris 20 ans, les compétences nécessaires sont pour partie apparues en cours de route et c'est normal.

Le cout de l'argent pour financer la construction ou les opérations de maintenance lourde (le "grand carénage") est fonction du risque perçu par les prêteurs et investisseurs, et ce risque est bien évidemment considéré comme plus élevé quand on a peur que le pouvoir politique revire sur le sujet et ferme prématurément une installation, ou lui complique inutilement la vie en poussant des réglementations qui sont excessivement prudentes.

La stabilité réglementaire au bon niveau est aussi nécessairement fonction du degré de volontarisme du moment. Même si l'ASN est indépendante, elle prend fatalement appui sur l'ambiance du moment en ce qui concerne le soutien politique et de la population au nucléaire. Plus on veut un résultat, plus on est prêt à prendre de risques assumés pour y arriver ! (et inversement)

La question de fond est donc celle de la stabilité politique. Et, en démocratie, cela renvoie au consensus qui s'est forgé (ou pas) à "l'étage en dessous", c'est à dire à la volonté populaire (ou pas) de disposer d'une filière nucléaire offensive. Si c'est le cas, comme nous avons dans ce pays un consensus sur le fait d'avoir une sécurité sociale par exemple, alors la stabilité politique suivra.

Et cela donne peut-être la clé de lecture sur "pourquoi ce revirement". L'opinion a changé sur le sujet du nucléaire ces deux dernières années, avec un soutien qui est devenu nettement plus marqué. Difficile de savoir pourquoi sans disposer d'études approfondies. On peut penser au climat (dont le fait que le nucléaire soit une énergie bas carbone devient compris par une part croissante de la population), au prix de l'électricité qui a fortement augmenté pour le consommateur final, aux ENR qui ne semblent pas si faciles que cela à déployer à large échelle, à la question de l'emploi (il y a quand même un peu de monde dans la filière)...

Dans tous les cas de figure, ce mouvement gagne du terrain, y compris dans les rangs des Verts. Et c'est probablement ce dernier élément qui a contribué à décider Macron de franchir le pas à la veille d'une élection. Il faudra voir ce qu'il en reste après !