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2022-06-30T06:44:42 | 6948164396997079040 | https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_se-soumettre-aux-anglo-saxons-pour-les-activity-6948164396997079040-gBOg | CHANGE_ME 225 |
Début juin, Michael Bloomberg est venu voir notre président avec sa casquette de "envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’ambition et les solutions en faveur du climat".
Que souhaitait l'ami Michael ? Convaincre Emmanuel Macron de sa rallier à son initiative de création d'un "Comité directeur sur les données liées au climat", dont l'objectif est de "(...) normaliser les données relatives à la transition vers l’objectif de zéro émission nette correspondant aux engagements pris par le secteur privé en faveur du climat".
En pratique, cette initiative se situe dans le droit fil de la TCFD (https://www.fsb-tcfd.org/ ) - présidée par Michael Bloomberg - qui "pousse" les entreprises à publier des informations relatives au climat tout en proposant la manière de faire.
Michael a été convaincant : l'Elysée a publié le 3 juin un communiqué de presse annonçant son soutien à l'initiative : https://bit.ly/3R9EoQG
Sur le papier, l'affaire semble plaidable. Si les entreprises sont poussées à publier des informations sur le climat, et que ces dernières sont pertinentes et accessibles, cela permettra assurément aux "parties prenantes" (dont le monde financier) de faire des choix plus éclairés.
Mais ... il y a un mais. Le communiqué de presse indique notamment que ce "comité directeur", chargé de "dire la loi" en quelque sorte, "réunira des organisations internationales, des organismes de régulation, des responsables politiques et des prestataires de services de données". Et pour cette dernière catégorie 4 noms seulement sont cités : Bloomberg LP, London Stock Exchange Group, Moody’s, Morningstar, MSCI et S&P Global
En clair, Michael Bloomberg envoyé spécial de l'ONU est venu demander à Macron que Michael Bloomberg fournisseur de données se fasse confier les clés du camion, à lui et à 3 autres fournisseurs dont aucun n'est européen (puisque London London Stock Exchange Group n'est plus européen depuis le Brexit ; les 3 autres sont américains), pour dire aux entreprises européennes ce qu'elles doivent publier. Le secteur privé américain vient donc demander à la France son adhésion pour normaliser la fourniture de données climat en Europe, et notre président dit oui sans même consulter les acteurs français !
Ce serait encore discutable si techniquement les américains étaient meilleurs. Mais ce n'est pas le cas. En matière de données climat, c'est la terre de naissance du bilan carbone, à savoir la France, qui a 5 ans d'avance au moins sur les USA, même si nous n'en faisons pas assez. Notre président plante donc un petit couteau dans le dos de l'écosystème français, dont il ignore probablement l'existence parce que personne n'est riche à milliards - heu pardon a fait une licorne - actuellement.
Du coup, avec mes compères Alain Grandjean et Laurent Morel, nous avons publié une tribune un peu énervée dans Le Monde pour dire que nous ne comprenions pas, et demander à ce que l'on fasse rapidement machine arrière. Bonne lecture !