jancovici-updates/true_content/posts/2022/10/change-me-116.md
2023-02-19 11:56:01 +01:00

3.3 KiB

date li-id li-url title
2022-10-17T06:52:08 6987666544478535680 https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_m-raymond-barre-critique-s%C3%A9v%C3%A8rement-le-rapport-activity-6987666544478535680-eWT- CHANGE_ME 116

Il est resté dans les mémoires comme Premier ministre de Giscard, et un peu comme maire de Lyon, mais à l'époque où l'article du Monde ci-dessous a été écrit, il était Vice-président de la Commission Européenne (de 1967 à 1973), en charge de l'économie.

A ce titre, il a analysé pour le compte de la Commission le "Rapport du Club de Rome", c'est à dire le travail effectué par les époux Meadows (Donella en tête, on l'oublie souvent) qui portait sur les limites à la croissance économique dans un monde fini : https://bit.ly/2HkwcIl .

Car, on l'oublie aujourd'hui, mais ce travail (The Limits to Growth) avait occupé une place importante dans les débats à l'époque, et de nombreuses personnalités ont été amenées à se prononcer sur son contenu... en ayant lu le livre ou pas :).

Qu'a pensé notre ex-professeur d'économie de l'exercice de dynamique des systèmes proposé par les universitaires du MIT ? Je n'ai pas réussi à retrouver en 3 clics de souris l'analyse rédigée (ou endossée) par Raymond Barre, mais, malgré ma grande défiance pour la presse :), il est probable que l'article du Monde en donne l'esprit, à défaut d'en donner la lettre : "circulez, il n'y a pas grand chose à voir".

La priorité, c'est la croissance économique (incidemment explicitement visée dans le Traité de Lisbonne, la "constitution" européenne), et nous pourrons, en affectant judicieusement une partie de son produit, supprimer les nuisances qui y sont attachées. En clair, la croissance verte est à portée de la main.

Pourtant, à l'époque, le président de la Commission, Sicco Mansholt, a été convaincu par le travail des modélisateurs du MIT. Il a même écrit une lettre proposant plus ou moins de faire... de la planification écologique ! https://bit.ly/3MAV29M

Il était alors dans les temps. Si, dès 1972, nous avions limité les grandes villes (et non étalé et fait grossir ces dernières), maintenu du monde à la campagne, évité de mondialiser les chaines de valeur que nous ne pouvons désormais plus rapatrier chez nous, évité une spécialisation agricole excessive, etc, nous serions aujourd'hui bien mieux placés pour affronter les défis de demain.

Mais "le marché" a été plus fort que lui, tout président de la Commission qu'il était. Et depuis, rien ou presque n'a changé. L'immense majorité des économistes continue à considérer le travail fait en 1972 comme une aimable plaisanterie qui ne résiste pas à une analyse un peu sérieuse, alors que c'est l'exact inverse en pratique : ce sont les modèles macroéconomiques qui ne résistent pas à une analyse un peu sérieuse ! Entre autres choses, dans les modèles économiques la croissance n'est pas un résultat en sortie, c'est une hypothèse d'entrée (sous forme d'augmentation de la productivité du travail et d'augmentation de la population) qui ne dépend que de l'envie du modélisateur !

L'histoire enseigne que les peuples n'ont rien appris de l'histoire, disait Hegel. A voir où en est toujours le débat économique aujourd'hui, il a hélas raison.