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2023-02-19 11:56:01 +01:00

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title: CHANGE_ME 24
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En 2011, à une époque où le gaz russe ne faisait pas la une de l'actualité, la France a interdit la fracturation hydraulique, mettant ainsi un terme à toute exploitation potentielle du gaz dit de schiste sur notre sol. Avons nous à l'époque supprimé une marge de manoeuvre importante pour continuer à consommer du gaz ?
C'est la question que j'ai traitée dans ma chronique diffusée hier matin sur RTL : https://bit.ly/3D5jqNe
Pour produire ce type de gaz il faut :
- que le sous-sol comporte une roche mère, c'est à dire une formation géologique où se sont formés des hydrocarbures liquides et gazeux (https://bit.ly/2RsaUS6 ). C'est le cas chez nous.
- que des hydrocarbures y soient toujours présents. Or, en France, une large partie a très certainement migré vers les roches-réservoir de la Mer du Nord et du bassin aquitain, et il n'y a plus beaucoup de gaz dans la roche mère (ce que dit Patrick Pouyanné lors d'une audition récente devant une commission d'enquête parlementaire : https://bit.ly/3XQMSPd )
- que la roche mère soit fracturable (elle peut être trop "molle" pour cela, comme en Pologne qui a essayé pour de vrai)
- qu'il y ait l'espace en surface pour mettre tous les quelques kilomètres une installation qui ressemble à ce qu'il y a sur la photo (avec les pistes d'accès qui vont avec et qui sont parcourues par des norias de camions pour acheminer l'eau et le sable, et évacuer le gaz ou le pétrole)
- comme la durée de vie d'un puits est faible, il faut qu'il y ait une industrie du forage apte à faire en permanence beaucoup de trous (les USA forent environ 100.000 puits par an) qui n'existe pas en Europe
Un dernier point est central : le droit. Aux USA, les ressources minières présentes sous le sol appartiennent au propriétaire du sol. Il suffit donc à ce dernier de toper avec un exploitant pour que les opérations démarrent.
En France, les ressources minières appartiennent à l'Etat (j'ai bien peur d'avoir inventé dans ma chronique une limite de 10 mètres qui n'existe pas ! Heureusement ca ne change pas la suite).
De ce fait, si vous ou moi avons du gaz (ou du plomb, ou de l'or, ou du lithium) sous notre terrain, nous ne pouvons pas en confier l'extraction à un opérateur avec partage des recettes : c'est l'Etat qui en est propriétaire et qui seul peut en attribuer la concession à une entreprise. Aux USA, en pareil cas le propriétaire du terrain devient monétairement riche, alors qu'en France il se fait exproprier !
Pour démarrer une exploitation à large échelle de gaz de schiste chez nous, il faudrait donc une concession minière par puits ou ensemble de puits, avec à chaque fois des recours possibles évidemment : il y en aurait pour plus d'une décennie.
En conclusion, même si la fracturation hydraulique était ré-autorisée, le "gaz de schiste" ne pourrait pas du tout compenser le déclin des importations russes en Europe. Mais le gaz fossile, dont l'usage émet du CO2, doit disparaître d'ici 2050, ce n'est pas vraiment un drame.