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2023-02-19 11:56:01 +01:00

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2023-01-07T19:14:13 7017569097689223168 https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_economies-d%C3%A9nergie-la-chasse-au-gaspi-activity-7017569097689223168-Zi03 CHANGE_ME 38

A l'époque où le monde était 100% renouvelable, il était moins pilotable qu'aujourd'hui. Il dépendait fortement de la biomasse, du vent, du soleil et de l'eau, et ces 4 composantes sont elles-mêmes tributaires, de façon très réactive (vent par exemple) ou plus lente (biomasse), des conditions du moment.

A l'époque, la marine à voile avançait quand il y avait du vent, et on ne savait pas exactement à quelle heure (ni parfois où !) on toucherait terre.

Les moulins à vent tournaient aussi quand il y avait du vent, et il valait mieux avoir un petit stock de farine sous la main pour ne pas risquer de manquer de pain en cas de panne éolienne un peu prolongée.

Les moulins à eau étaient plus réguliers, mais, lors d'une année sèche ou d'un hiver très froid (gel), ils pouvaient aussi s'arrêter de tourner. La biomasse pour les animaux était disponible l'été et il fallait faire des stocks pour l'hiver... en priant pour qu'ils soient suffisants.

L'ère des combustibles fossiles a complètement changé la donne, et nous a habitués à un monde où la disponibilité d'un produit ou service ne dépend en rien des éléments extérieurs.

Aujourd'hui, au sens littéral du terme, nous ne voyons pas pourquoi il serait nécessaire qu'il y ait du vent ou du soleil pour qu'un vêtement soit assemblé ou transporté, un aliment mis à notre disposition, une classe d'histoire ou une opération de l'appendicite ait lieu, un bus avance ou un coup de fil puisse être passé.

La "chasse au gaspi" - c'est à dire l'avènement de l'ère des économies d'énergie imposées par insuffisance d'offre - et le retour en force des productions renouvelables non pilotables vont probablement nous remettre, un peu ou beaucoup, dans ce monde moins prévisible, moins abondant et plus volatil.

Ainsi il a été question que les écoles soient fermées ou une partie du réseau téléphonique inopérant les jours sans vent (puisque ce sont les jours, en hiver, où il y a potentiellement un problème d'approvisionnement). Pour le moment cette éventualité n'est pas arrivée (un temps dépressionnaire est plutôt doux et venteux ; bonne conjonction !) mais son évocation montre bien que le monde qui nous attend n'a pas vraiment été pensé à l'avance côté consommation.

Il va falloir se faire à l'idée que tous les kWh ne sont pas équivalents. Les combustibles fossiles n'ont pas juste amené des kWh en grande quantité : ils les ont amenés à la demande. S'organiser sans cette caractéristique demandera beaucoup d'efforts : c'est ce que l'on appelle la "flexibilité". Sa description précise, et son caractère plus ou moins indolore, restent généralement un point (très) faible des scénarios pour l'avenir.